Tribune : réponse à l'interview de la ministre de la Mer

Par Confédération Mer & Liberté | Confédération Mer & Liberté

Tribune : réponse à l’interview de la ministre de la Mer

Interview de la ministre chargée de la Mer Catherine Chabaud : « Maritimiser les esprits » ! La confédération : « La pêche récréative et la plaisance, piliers d’une mer partagée et responsable. »
Catherine Chabaud, la nouvelle ministre de la Mer et de la Pêche, a accordé son premier entretien à Ouest-France et à sa filiale le marin. L’ex-skippeuse évoque la continuité de ses engagements. Entretien Avez-vous été surprise d’être appelée par Sébastien Lecornu à rejoindre le gouvernement ? Je ne m’y attendais pas vraiment même si j’avais été proposée pour des gouvernements précédents. Mais ma première réaction était de dire : « Nous allons avoir un ministère de la Mer ». Avoir ce portage politique au quotidien est indispensable. Ce poste est une continuité totale de mes engagements pour la mer. Outre votre passé sportif, vous êtes connue pour votre engagement écologique. C’est votre cap ? Mon engagement est plus large que ça. Je crois à un avenir économique de la mer. La décarbonation du maritime est par exemple l’opportunité de relancer la construction navale européenne sur les navires jusqu’à environ 200 m. C’est le cas de Canopée, qui transporte les pièces de la fusée Ariane 6. Quelles sont vos priorités ? La première est de « maritimiser » les esprits et les institutions, du citoyen au chef de l’État. La deuxième est de régénérer. Si demain nous voulons engager la transition écologique du transport maritime, de la plaisance, du tourisme, de la pêche, elle ne se fera que si on travaille à la réduction de toutes les pollutions. La troisième est de planifier, en améliorant la concertation entre les usages. Comment allez-vous rassurer les pêcheurs, dont certains n’ont pas bien accueilli votre nomination ? La première chose que je vais leur dire, c’est que j’ai beaucoup de respect et d’admiration pour leur travail. Et que ça n’est pas seulement en changeant les techniques de pêche que l’on va sauver l’océan. Je veux leur montrer qu’on va travailler sur le sujet des pollutions qui vont à la mer dont ils sont les premières victimes. À partir du 10 janvier 2026, certains pêcheurs de loisir devront s’enregistrer et déclarer les prises d’espèces sensibles. Allez-vous demander de mettre des amendes ou de faire preuve de pédagogie ? La pédagogie en priorité bien sûr. Mais j’alerte sur le fait que si nous devions être amenés à prendre des décisions à l’avenir, dans un contexte de pression sur la ressource [les poissons], je dirai « priorité aux pêcheurs professionnels », qui vivent de cette activité.
Recueilli par Jean-Marie Cunin – Ouest France du 25/10/2025 Visualiser l’article Ouest-France

Réponse de la Confédération Mer & Liberté à la ministre de la Mer

Qui sommes-nous ?

La Confédération Mer et Liberté rassemble les principales fédérations et associations françaises de plaisanciers, de pêcheurs récréatifs et de défense des usagers de la mer qui pratiquent la pêche en bateau, la pêche sous-marine, la pêche du bord et la pêche à pied sur l’estran. Elle oeuvre de façon engagée et responsable pour une gouvernance équilibrée des océans, la préservation des écosystèmes marins et la reconnaissance pleine et entière de la pêche récréative comme acteur de la transition maritime.

L’arrivée de madame Catherine Chabaud au ministère de la Mer et de la Pêche ouvre une nouvelle étape dans la politique maritime française. Nous saluons cette nomination et sa volonté de « maritimiser » les esprits « du citoyen au chef de l’État », qui porte l’espoir d’un dialogue renouvelé entre l’État et les acteurs de terrain. Mais certains de ses propos récents tenus dans la presse négligent ouvertement l’univers de la pêche récréative et de la plaisance en mettant à l’opposé la priorité sur un seul secteur.
Or, pour réussir, sa vision doit intégrer pleinement – et sincèrement - la pêche récréative et la plaisance, acteurs économiques incontournables du littoral français et pleinement investis dans la protection de la ressource et la défense de l’environnement.

Un poids social, économique et politique majeur

Avec plusieurs millions de pratiquants, la plaisance et la pêche récréative en mer représente la première activité maritime populaire de notre pays. Elle irrigue les territoires côtiers, fait vivre des milliers d’emplois directs et indirects — chantiers navals, commerces, ports, associations — et constitue un lien concret entre la société civile et la mer. La plaisance et la pêche récréative ne sont pas des loisirs « secondaires » : ce sont des vecteurs d’identité maritime, de cohésion sociale et d’attractivité territoriale. Leur poids économique est estimé à plus de 4 milliards d’euros par an, bien supérieur à celui de plusieurs filières maritimes professionnelles réunies.

Une activité respectueuse de la ressource

Contrairement à certaines idées reçues, la pêche récréative est très faiblement consommatrice de la ressource halieutique. Elle ne prélève qu’une part marginale des captures globales, tout en respectant des tailles minimales, des quotas et des périodes de repos biologique. Les pêcheurs de loisir et les plaisanciers sont souvent les premiers témoins de la dégradation du milieu marin, les premiers à alerter sur les pollutions, la raréfaction des habitats ou la perte de biodiversité côtière. Par leur comportement, leurs initiatives locales (pose de nurseries, actions pédagogiques, sensibilisation des jeunes), ils contribuent activement à la préservation des océans et à la diffusion d’une culture maritime responsable.

Une force citoyenne et électorale

Au-delà de son poids économique et environnemental, la plaisance et la pêche récréative en mer représentent aussi une force citoyenne et électorale majeure. Plusieurs millions de Français pratiquent régulièrement cette activité : autant de femmes et d’hommes qui vivent la mer, la respectent, la défendent — et qui aspirent à être entendus.
Alors qu’ils respectent quotas, tailles, périodes de repos et pratiques responsables, ils sont fatigués d’être considérés comme seule variable d’ajustement pour justifier d’autres décisions trop souvent inéquitables, voire parfois incompréhensibles vu leur impact négatif sur la ressource ou la mise en vente sur les étals de ces espèces hors-normes durant ces périodes.
Dans chaque port, chaque mouillage, chaque club nautique, ce sont des citoyens impliqués dans la vie locale, les associations et la préservation de leur littoral. Les ignorer dans la gouvernance maritime, ce serait se priver d’une des plus puissantes dynamiques populaires du monde maritime français.
Ces associations, par la diversité de leurs activités sont un puissant vecteur d’actions, de passion et de valeurs partagées entre générations transmettant un profond respect de la nature et de la biodiversité.

Concertation des usages : de l’intention aux actes

Nous saluons les propos de la ministre lorsqu’elle évoque la nécessité de planifier en amenant la concertation entre les usages. Mais cette concertation doit désormais se traduire par des réalités concrètes : représentation systématique des pêcheurs de loisir et des plaisanciers dans les instances consultatives, participation aux décisions de planification maritime, prise en compte équitable des activités récréatives dans les politiques publiques et dans les futures réglementations.

Une ouverture au dialogue

La Confédération Mer et Liberté réaffirme son souhait d’un dialogue constructif avec la ministre et ses services. Nous avons déjà demandé à rencontrer madame Catherine Chabaud afin de partager nos propositions, fondées sur l’expérience du terrain, la connaissance du milieu marin et la conviction que la pêche récréative est une alliée, non une menace, pour l’avenir de nos océans. Nous ne demandons pas des privilèges, mais la reconnaissance légitime d’une communauté maritime qui pèse, agit et vote.