
"Si on se fait prendre, cela coûte très cher" : déclaration, application...
Un projet d’arrêté stipule qu’à partir du 10 janvier 2026, par le biais d’une application, les pêcheurs de loisir en mer devront s’enregistrer obligatoirement et déclarer la capture de certaines espèces sensibles, à l’image de la dorade rose ou de la dorade coryphène. Décryptage avec Jean Mitsialis, président de l’Association de protection de la plaisance et de la pêche (APPP) de Valras-Plage et des ports de l’Orb.
L’APPP de Valras et des ports de l’Orb a été créée en 1979. Quel est son rôle aujourd’hui ?
L’APPP regroupe des passionnés de pêche de loisirs en mer, tout en se concentrant sur la protection de l’environnement. C’est une pêche écoresponsable.
Cette notion de pêche écoresponsable existait-elle déjà à l’époque de sa création ?
Oui, depuis longtemps. Nous sommes affiliés à la Fédération nationale de la plaisance et des pêches en mer (FNPP) dont je suis, d’ailleurs, le président depuis 2022. Dès sa création, l’objectif de cette fédération a été la pêche écoresponsable et la protection de l’environnement. Nous avons entre 180 et 210 adhérents, par an, à Valras.
Ces adhérents viennent-ils du bassin biterrois ?
Oui, mais aussi de plus loin, du Tarn, du Lot-et-Garonne, de la Lozère, de l’Aveyron. Ce sont des plaisanciers qui ont souvent leur bateau à Valras, Sérignan ou au port Jean-Gau.
Combien d’adhérents compte votre fédération à l’échelle nationale ?
Un peu plus de 35 000 adhérents, répartis dans 350 associations ou clubs, de Dunkerque jusqu’à Menton.
Ces chiffres sont-ils en augmentation ?
Non, c’est très stable. Nous avons des départs, mais aussi des arrivées, notamment des jeunes. L’objectif est d’en intégrer, bien que ce ne soit pas simple de leur faire prendre des responsabilités car ils ont déjà beaucoup d’activités.
Comment a évolué la pêche de loisirs depuis les années 80, en termes de ressource ?
La ressource se fait de plus en plus rare. Est-ce dû au changement climatique, à la surpêche ou à la pollution ? Il est compliqué d’y répondre. Mais je pense que tous ces facteurs ont un impact.
La surpêche a quand même diminué, non ?
Oui, il y a moins de chaluts maintenant. La ressource s’est réduite. Il n’est pas sûr de ressortir avec du poisson comme dans les années 80 ou 90.
Pourquoi le maquereau est-il rare aujourd’hui ?
Il n’y a presque plus de sardines dont les maquereaux se nourrissent. Les anchois sont maintenant pêchés en Bretagne ou en Espagne. S’il n’y a pas ce poisson fourrage, il n’y a plus de maquereaux ou d’autres espèces. Il y a aussi un souci avec le thon qui est protégé depuis 2010. La ressource au niveau de cette espèce aujourd’hui est énorme et nous pensons que cela a une influence sur la ressource car un thon mange beaucoup !
La réglementation est-elle stricte pour la pêche de loisirs ?
Oui, les contrôles sont fréquents. Les affaires maritimes, la gendarmerie, les douanes et l’Office français de la biodiversité (OFB) peuvent intervenir. Il y a des contrôles et certains sont même ciblés.
Que dit cette nouvelle règle qui va entrer en vigueur en janvier ?
Pour la pêche de loisirs en Méditerranée, tous les pêcheurs doivent s’enregistrer sur une application à partir du 10 janvier 2026. À partir du moment, où on met une ligne à l’eau, on doit se déclarer, que ce soit un pêcheur à la ligne du bord ou en mer sur un bateau, ou encore en pêche sous-marine. Vient ensuite la déclaration des prises. Elle se fait uniquement sur les espèces sensibles et j’insiste, juste les espèces sensibles, la dorade rose (ou le pageot rose) et la dorade coryphène. Cette règle pourra évoluer dans le temps.
Quel est l’intérêt de cette loi ?
Elle permettra de savoir combien de pêcheurs de loisirs nous sommes il y a, et quel est leur prélèvement exact sur la ressource et surtout, sur ces espèces sensibles. Cela signifie aussi que les associations, comme la nôtre, auront des rôles importants à jouer dans tout ce qui est communication et réglementation et peut-être avoir aussi des adhérents supplémentaires.
N’est ce pas une privation de liberté ?
Ce serait vrai si on nous demandait de déclarer tout ce que l’on pêche. Ce qui n’est pas le cas.
Comment vos adhérents perçoivent-ils cette mesure ?
Nous avons communiqué avec nos pêcheurs de loisirs. Si on explique bien que cela concerne seulement quelques ressources et que cela permet de se compter, cela passe bien.
Pensez-vous qu’il y aura des contrôles et des sanctions ?
L’objectif au départ ce sera du préventif ou du pédagogique : l’objectif est d’informer et d’expliquer le pourquoi.
« La seule activité où il n’y aura rien à déclarer, ce sera la pêche à pied »
Pour vous, c’est une bonne mesure ?
Oui, nous militons pour que tout le monde se déclare, pas seulement en Atlantique. À terme c’est ce qu’il se passera. La seule activité où il n’y aura rien à déclarer, ce sera la pêche à pied.
La réglementation est-elle bien respectée aujourd’hui ?
Si on prend l’exemple du thon, oui. Si on se fait prendre, cela coûte très cher. Il y a eu un procès à Narbonne récemment avec des amendes élevées. Elles peuvent aller de 500 € à 15 000 €. Cela peut faire fait cher le kilo de thon.
Y a-t-il des espèces qui ont refait leur apparition ici, ?
Oui, le barracuda, espèce du sud de la Méditerranée, la dorade coryphène et le crabe bleu qui est d’ailleurs le fléau actuel.
Les récifs artificiels immergés en mer au large de Valras fonctionnent-ils ?
Oui, on retrouve des espèces comme la langouste qui n’existaient plus. Cela montre que la recolonisation est rapide. Les personnes pêchant dans les parcs marins utilisent l’application CatchMachine. Dès le 10 janvier 2026, les pêcheurs de loisir pourront se déclarer sur l’application RecFish. Les utilisateurs de CatchMachine pourront, eux, continuer à s’y déclarer sans avoir à le faire sur RecFish.
La mise au point des pêcheurs, plaisanciers et plongeurs
Les associations de plaisanciers et de pêcheurs, dont la FNPP, que préside Jean Mitsialis, adhèrent à la Confédération Mer et Liberté, dont l’objet est la « défense de la plaisance, des pêches en mer, récréatives et sportives ». À ce titre, suite au projet d’arrêté du gouvernement, ils ont édité un communiqué destiné à faire certaines mises au point.
Ils estiment, entre autres que ce projet, aura des avantages : la reconnaissance de la contribution des pêcheurs de loisir à la connaissance de l’état des stocks ; une meilleure crédibilité de notre communauté auprès des autorités, des scientifiques et des professionnels de la mer ; la possibilité d’influer sur les décisions de gestion (quotas, périodes de pêche, zones...) grâce à des données fiables et partagées selon les types de pêche ; la mise en valeur du caractère durable et responsable de la pratique auprès du grand public ; l’accès à la vérité des chiffres : la déclaration permettra de connaître le poids réel de la pêche de loisir.
En revanche, ils demandent : une mise en place de solutions simples pour les personnes peu à l’aise avec l’informatique ; une déclaration hebdomadaire et non journalière, qui reste tout à fait suffisante pour garantir la fiabilité scientifique sans décourager la pratique ; un abandon de l’étiquetage complexe des engins de pêche, lourd et inutile pour la pêche de loisir. L’immatriculation sur la bouée est suffisante ; un accès unique à toute information légale nationale et locale ou à tout autre élément utile aux pêcheurs lors de l’enregistrement ; un engagement des autorités à mieux tenir compte des efforts des plaisanciers pour une bonne gestion de la ressource en ajustant certains quotas ou contraintes de façon plus équitable et en veillant à ce qu’elles soient appliquées par tous les partenaires.